Journée nationale de sensibilisation au stress post-traumatique 2024 : L’homme que j’ai épousé commence à renaître…
Mon mari, Joel, a servi pendant 10 ans au sein des Forces armées canadiennes, notamment dans la police militaire et la protection rapprochée, en Afghanistan et en Bosnie. Quand il a eu son congé en 2008, il souffrait d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT) si grave que l’accomplissement des tâches quotidiennes et se retrouver en public généraient chez lui une profonde anxiété.
Notre famille a atteint le fond du baril après la dernière mission de Joel en Afghanistan. Il travaillait en sécurité personnelle rapprochée et dans la police militaire. Notre deuxième enfant n’était encore qu’un bébé quand le TSPT de Joel a atteint son plus haut point. Une voiture stationnée sur le bord de la route suffisait pour qu’il se mette à chercher des tireurs d’élite dans les arbres. Il ne pouvait mettre les pieds dans une épicerie. Je me rappelle les journées entières qu’il passait au sous-sol, à jouer à des jeux vidéo.
J’en ai parlé à notre médecin de famille et à quelques amis, et nous avons réussi à le convaincre de suivre un traitement et une thérapie. Je ne sais pas où nous en serions aujourd’hui si nous n’avions pas reçu d’aide. En 2016, Joel a participé aux Jeux Invictus à Orlando. Cette étape a été nécessaire à son rétablissement. De jour en jour, il s’améliore dans la gestion du stress. Il a concouru dans les premières années de son parcours vers la guérison, et pour cela il a dû sortir de sa zone de confort. Se retrouver sur une base militaire était un élément déclencheur, tout comme les avions. De plus, entendre les autres soldats parler de leurs expériences pouvait le faire plonger dans une spirale. Mais il s’est efforcé de concourir et de tisser des liens de nouvelles façons. Lorsqu’il a remporté une médaille d’argent en tir à l’arc, j’étais submergée de joie!
Je me rappelle que le vol en avion pour Orlando a été un véritable défi et un déclencheur. Cependant, notre fils a tenu la main de son père pendant toute la durée du vol, jouant, selon ses paroles, le rôle d’un humain de service pour son père. Et Joel m’a dit plusieurs fois que le moment où il se tenait sur le podium après avoir remporté sa médaille était une des premières fois dans la vie de nos fils, qu’il a vraiment senti que ses enfants étaient là. Même aujourd’hui, notre fils demande tous les matins à Joel comment il a passé la nuit et s’il a fait des cauchemars.
Comme travailleuse sociale, infirmière psychiatrique et aujourd’hui infirmière en soins palliatifs, je pense à la résilience et j’en parle tous les jours avec les patientes, les patients et leurs familles. De plus, je vis, je respire et je ressens la résilience tous les jours en qualité d’épouse d’un ancien combattant qui vit avec le trouble de stress post-traumatique. Pour moi, la résilience c’est accepter que notre vie ne ressemble pas à celle des autres. Notre normalité ne correspond à celle de personne d’autre, mais c’est la nôtre. Si c’est une mauvaise journée et que Joel n’a pas dormi, qu’il est anxieux ou paranoïaque, nous savons que la journée se terminera et que nous continuerons le jour suivant. Si notre maison donne parfois l’impression d’avoir été frappée par une tornade, nous savons que nous avons de quoi manger et de quoi nous vêtir, que nous sommes aimés et en sécurité.
La résilience, c’est reconnaître que le TSPT ne définit pas notre famille et ne définit pas notre vie. Dans l’armée, on dit qu’il faut s’adapter et surmonter. C’est ce que nous vivons tous les jours, depuis le diagnostic de Joel, en faisant preuve de résilience et en reconstruisant notre vie. Quand la COVID a frappé, j’étais sur la ligne de front, dans les foyers de soins et auprès de personnes aînées vulnérables. Je suis devenue la soldate et il est devenu mon soutien. Ça, c’est la résilience!
Aujourd’hui, nous nous concentrons sur une seule journée à la fois; nous ne faisons pas trop de plans et nous acceptons que Joel ait de bons jours et de mauvais jours. Cependant, grâce aux Jeux Invictus, Joel participe à la vie de tous les jours; il va à l’épicerie, il participe à ses séances de thérapie, il passe du temps avec sa famille et ses amis. C’est un père formidable pour nos garçons Zack et Jake et il adore notre labrador chocolat qui est des plus turbulents. Je suis fière de le voir jouer un rôle aussi actif à la maison.
L’homme que j’ai épousé commence à renaître… du fond du cœur, merci.
Marie-Andrée Malette, inf. aut., épouse du corporal (à la retraite) Joel Guindon, Jeux Invictus, Orlando 2016
Article et photos : Fondation Les Fleurons glorieux